1 - Alan Arnold Griffith ou le théorème de la feuille de papier

Alan Arnold Griffith and the paper sheet theorem - english version

Le déclenchement des avalanches de plaque est contrôlé par la déstabilisation de fissures sous la plaque et à son sommet. Cette déstabilisation est régie par un critère mécanique simple qu'il est très utile de connaître, et qui fait l'objet de ce premier billet. Quand je tends un élastique, j'y emmagasine de l'énergie. Si je le lâche, cette énergie est libérée d'un coup (par exemple quand je me prends l'élastique sur la figure!). En mécanique, ça s'appelle très justement de l'énergie … "élastique".

Je prends maintenant une feuille de papier que je tends entre mes mains. Comme pour l'élastique, les liaisons entre les molécules constituant le papier s'étirent. Elles s'étirent moins que celles de l'élastique, ce qui rend le papier plus raide, mais elles s'étirent tout de même, et emmagasinent de l'énergie.

Je cherche maintenant à comprendre comment la feuille de papier peut se déchirer. En la maintenant sous tension constante, j'y fais une petite entaille (ou fissure) avec un couteau par exemple. Rien ne se passe. J'augmente légèrement la dimension de la fissure. Toujours rien. Mais si je continue peu à peu, il arrivera un moment où la feuille se déchirera brutalement.

L'ingénieur britannique A. A. Griffith a formulé précisément ce phénomène en 1920. C'est le critère de Griffith, qui dit que sous une contrainte σ (ici de tension), la taille d'instabilité de la fissure r* vérifie l'équation équation , où Kc s'appelle la ténacité du matériau. Ça montre en particulier que plus la tension est forte, moins la fissure devra être grande pour devenir instable.

Ce critère peut s'expliquer très simplement comme suit. Je considère ma feuille de papier sous tension. Elle a emmagasiné de l'énergie élastique (en rouge sur la figure). Si j'ouvre une fissure, cette tension se relâche de part et d'autre, en gros dans la zone circulaire verte de rayon r. Si je veux agrandir la fissure d'une petite quantité a de chaque côté, je relâche encore un peu d'énergie dans une couronne de rayon r et de largeur a (en jaune). Plus la fissure est grande, plus la couronne jaune sera grande, plus l'énergie qui y est relâchée sera importante, et plus elle m'aidera à agrandir la fissure de la même quantité a. Et iI arrivera un moment où cette énergie sera tellement grande que je n'aurai plus besoin du couteau pour agrandir la fissure: elle le fera spontanément, et la feuille se déchirera complètement.

Schéma

Cette notion d'instabilité de Griffith est fondamentale dans le déclenchement des avalanches, car elle détermine à la fois l'instabilité de la couche fragile et l'ouverture de la fissure sommitale. C'est ce que nous verrons dans les billets suivants !